L’amour de la roche, de la terre et de la nature combiné à une certaine dose d’épicurisme confère aux géologues une vision parfois… originale. Vous découvrirez ici des anecdotes et récits historiques tantôt drôles et intéressants mais aussi parfois idéologiquement discutables. Nous nous en excusons d’avance.
Dans ce récit, Maurice Lugeon nous décrit non seulement sa recette culinaire mais également contextuelle d’une fondue réussie.
Maurice Lugeon doit remplacer au pied levé le Recteur de l’Université pour prononcer un discours lors du Congrès International de la Vigne et du Vin. Malgré peu de préparation il fut émouvant et avisé.
Lors d’une excursion dans les Highlands d’Ecosse Maurice Lugeon chantonne dans sa barbe quelques vers sur le Moine Thrust, fameuse formation géologique de la région. En rentrant, et sous l’influence de quelques copains, il se lance dans la composition d’une chanson en l’honneur du célèbre chevauchement.
Ce morceau d’anthologie est un recueil truculent des activités des Cellulards, relatant principalement leurs excursions géologiques. Il ne contient aucune description scientifique mais regorge de péripéties agrémentées d’illustrations souvent caricaturales, de chansons égrillardes, de sécrétions poétiques, de volutes de fumées, de senteurs d’absinthe, d’effluves flatulentes et de problèmes de pilosité naissante.
Ce manuscrit, rédigé principalement entre 1888 et 1897, avec quelques rajouts jusqu’en 1944, décrit la création et les activités de l’association « Cellule géologique » fondée par le Protoplasme, le Noyau et la Membrane, soit respectivement Théophile Rittener, Paul Jaccard et Maurice Lugeon. Ces trois personnages se sont succédés comme préparateurs au Musée de géologie de Lausanne sous la direction d’Eugène Renevier (mentionné dans le Marteau sous Modestin) . Ils y ont noué une solide amitié qui est à l’origine de la création de la Cellule géologique. Par la suite, chacun réalisa une riche carrière dans le domaine des sciences naturelles.
Le Marteau, journal de la Cellula Geologica
Théophile Rittener (1857-1924), né à Chateau d’Œx, suivit des études à l’École normale tout en étant préparateur au Musée. En 1886, il devint professeur de sciences au Collège de Ste-Croix où ses enseignements furent très appréciés jusqu’ à sa retraite en 1922. Il effectua en parallèle de nombreuses expertises géologiques dont une imposante étude géologique des environs de Ste-Croix (1902). Son talent s’exprimait surtout sous sa plume, que ce soit par le dessin ou par le texte. Dans la Marteau, il est l’auteur de la plupart des illustrations qui varient entre des caricatures parfois psychédéliques à des panoramas de toute beauté.
En 1896, il reçut même une médaille à l’exposition nationale de Genève pour un de ses panoramas. Écrivain libre penseur, sous les pseudonymes de Phosphile, Amicus Plato ou de Jean Laboris, il publia de nombreux articles dans divers journaux où il stigmatisait sous forme de prose ou de poèmes l’hypocrisie sociale et religieuse. Une partie de ses écrits furent réunis en un volume intitulé « Les Dogmes immoraux » publié en 1900.
Paul Jaccard (1868-1944), né à Ste-Croix, devint dans sa jeunesse un collectionneur passionné de fossiles grâce son professeur d’histoire naturelle, le géologue Henri Golliez (mentionné dans le Marteau sous Xulogena cellularia).
Il effectua également une formation d’enseignant avant d’être préparateur au Musée. Il suivit ensuite des études de sciences naturelles à l’Université de Lausanne où il obtint une habilitation en embryologie végétale et en phytopaléontologie. Enseignant d’histoire naturelle dans les écoles secondaires de Lausanne, il rédigea deux manuels scolaires en botanique avant d’être nommé en 1903 professeur à l’École polytechnique de Zurich. Il y enseigna pendant 35 ans l’anatomie et la physiologie des plantes tout en effectuant des recherches sur la croissance des arbres. Il publia plus d’une centaine d’articles scientifiques.
Maurice Lugeon (1870-1953), né à Poissy en France, revint très jeune en pays de Vaud, sa patrie d’origine. Adolescent, sa passion de la paléontologie lui fit découvrir de nombreux fossiles dans la molasse lausannoise. Il les amena au Musée de géologie ou Eugène Renevier l’engagea comme préparateur. Il poursuivit des études à l’Université de Lausanne où il présenta en 1896 une thèse sur la géologie des Préalpes. Ses observations sur les déformations lors de la formation des Alpes eurent un retentissement mondial. Après le décès d’Eugène Renevier en 1906, il lui succéda comme directeur du Musée de géologie et devint professeur ordinaire à l’Université de Lausanne.
Ses travaux de recherche en géologie appliquée, en particulier sur les barrages, lui valut une renommée internationale. Il décéda en 1953 après avoir reçu de nombreuses distinctions, comme la légion d’honneur, et ses funérailles furent organisées à la cathédrale de Lausanne.
Mai 2021
Robin Marchant
Conservateur au Musée cantonal de géologie, Lausanne
Dans sa publication sur les 100 ans de la géologie vaudoise, M. Lugeon trace le portrait d’un personnage pour le moins original: Karl Adolphe/Charles-Adolphe de Morlot.
“Puisque je cite Morlot, disons, en passant, quelques histoires concernant ce géologue. Je les tiens de mon maître Renevier et du professeur Charles Dufour, l’astronome, de Morges.
Morlot était un homme plein d’idées, mais il avait le tort d’être un vieux garçon original, brouillé avec la plupart de ses contemporains. Il était fort mal éduqué. Rentrant d’excursion, il se mettait tout nu à sa fenêtre, à la Cité, et jouait de la flûte, à l’indignation des voisins. Un jour, passant à Cheseaux chez Frédéric Troyon, un préhistorien connu qui était encore son ami, il entre au salon, enlève ses souliers et ses bas et s’étale devant un feu de cheminée à l’indignation de Mme Troyon qui lui fait prendre la porte. Or, plus tard, à l’époque de ces discussions âpres qui agitaient le canton lors de la création de l’Eglise libre, Morlot qui n’était guère religieux se réclamait du terrible Carl Vogt, alors que Troyon restait un croyant orthodoxe, une haine sépara les deux anciens amis. Il faut lire les Leçons sur l’homme, de Carl Vogt, pour se faire une opinion sur les discordes de ce temps. On vit alors Morlot distribuer, dans les magasins de la petite ville qu’était Lausanne, un pamphlet où il était écrit que tel jour on brûlerait, sur Montbenon, les bas du mécréant Morlot ! Puis des querelles avec Charles Dufour, l’astronome de Villeneuve, à propos de l’âge du cône de déjection de la Tinière. Ce bon Dufour dont je fus un des derniers auditeurs dans son cours d’astronomie à l’Université, passa environ une heure à nous conter (nous n’étions que deux) le mépris qu’il conservait pour le professeur de géologie de l’époque. Que n’ai-je pris alors des notes!…
N’empêche que Morlot était une sorte d’homme d’avant garde, d’une imagination peut-être un peu débordante, mais un excellent observateur. Sa première leçon de géologie publiée en 1851 reste un document à lire.”
Lugeon, 100 ans de la géologie vaudoise, 1949
En 1868, la protection de l’environnement n’était pas encore un sujet de préoccupation majeur. Pourtant, un petit groupe de géologues passionnés se met en quête de protéger les blocs erratiques face à l’ exploitation de ceux-ci pour la construction.