Renevier Eugène

Eugène Renevier (1831-1906), professeur à l’Académie et savant vaudois

par Aymon BAUD

Eugène Renevier, nommé professeur ordinaire en 1881

Eugène Renevier, fils de Charles, avocat très réputé, est né le 26 mars 1831 à Lausanne. Sa mère Henriette mourut quand il était enfant et son père se remaria et s’occupa activement de l’éducation de son fils, d’abord au collège puis il le mit en pension à Stuttgart où il suivit les cours de l’Ecole polytechnique et apprit les rudiments de la géologie de l’époque. Il y fit la connaissance du jeune Albert Oppel qui a le même âge et qui est passionné de paléontologie . Pendant ses vacances à Lausanne, dès 16 ans, Renevier s’aventure dans les parois du massif des Diablerets pour y chercher des fossiles qu’il emporte à Stuttgart pour faire des échanges avec Albert Oppel, qui lui, avait déjà une très vaste collection et qui deviendra un paléontologue allemand réputé.

Albert Oppel, paléontologue allemand

En revenant à Lausanne il fut animé d’un profond sentiment religieux et s’engagea dans l’église libre d’alors, tout en désirant se perfectionner dans les études de géologie et paléontologie.

Nous traiterons ici de l’enseignement académique de la géologie de 1859 à 1906 et des naturalistes géologues
dont s’est entouré Eugène Renevier. Son engagement religieux et le suivi de la mission
romande en Afrique qu’il a créée pourrait faire l’objet d’un autre exposé

A 19 ans déjà, il présente sa première communication à la Société vaudoise des sciences naturelles (SVSN) sur la molasse du Jorat. A 20 ans il s’en va à Genève pour y suivre les cours du paléontologue François-Jules Pictet de la Rive et commence à étudier la géologie de la région des Pertes du Rhône. Puis il va en 1854 à Paris pour suivre les leçons du paléontologue Edmond Hébert et publie avec lui un mémoire important sur la faune Nummulitique des Alpes.

Edmond Hébert, académicien, Paris
Mémoire sur la faune Nummulitique des Alpes
François-Jules Pictet, Genève

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Il rentre définitivement à Lausanne en 1855 et se marie en 1857 avec Mary (-Louise) Millimann originaire de Boston, d’une année sa cadette. Ils auront trois filles et deux fils: Henriette née en 1857, Arnold en 1860, Louise en 1861, Alice en 1864 et Charles en 1865.

Le couple Eugène et Mary Renevier en 1859

Renevier revenait au pays armé d’un gros bagage scientifique et précédé d’une juste réputation. A l’Académie de Lausanne, un cours de géologie avait été ouvert en 1851 et était occupé par Adolphe von Morlot. La place était prise.
Malgré ses opinions religieuses libristes, guère en odeur de sainteté dans les milieux gouvernementaux, les autorités comprirent tout l’intérêt qu’il y avait à attacher le jeune savant à l’Académie. Dès 1856 il fut chargé d’un cours de zoologie qui est repris en 1858 par Auguste Chavannes. Et c’est en 1859 qu’il est nommé professeur extraordinaire de géologie.

Dès le début, Eugène Renevier s’entoure de passionnés de géologie et paléontologie. C’est d’abord, en 1858, le médecin Philippe de la Harpe (1830-1882), qui succède à Charles Lardy comme conservateur des collections de géologie et minéralogie du Musée cantonal, situées dans l’aile droite du bâtiment de l’Académie. Mais en 1863, trop occupé, Philippe de la Harpe démissionne de ce poste. C’est alors Eugène Renevier qui, en complément de son poste de professeur extraordinaire, reprend cette activité de conservateur titulaire qu’il gardera jusqu’à son décès, en offrant à Philippe de la Harpe le titre honorifique de conservateur adjoint pour la paléontologie. Très régulièrement, jusqu’à sa mort en 1882, Philippe de la Harpe viendra travailler et étudier au Musée.

Philippe de la Harpe, paléontologue et médecin
L’ancienne Académie

 

 

 

 

 

 

 

 

En 1861, il est chargé, avec un comité ad hoc, de recevoir à Lausanne la réunion annuelle de la SHSN, ou, traduit de l’allemand par Société suisse des sciences naturelles (SSSN) qui comprend le programme et le plan ci-dessous:

Quatre événements vont marquer les cinquante années de la vie d’enseignant d’Eugène Renevier :

  1. l’ouverture à l’Académie d’une Faculté des Sciences indépendante, qui se sépare de Lettres et Sciences en 1869.
  2. la mise à disposition de locaux pour les collections de géologie et de minéralogie ainsi que pour l’enseignement à la maison Morave ou maison Gaudard (ce dernier nom sera repris au xxe siècle) au sud de la Cathédrale en 1874.
  3. la création de l’Université de Lausanne en 1890.
  4. l’ouverture du Palais de Rumine en 1905, avec l’installation de toutes les collections dispersées de géologie, paléontologie et minéralogie et l’ouverture des nouvelles salles d’enseignement, juste avant son décès accidentel en 1906.

Faculté des Sciences et Faculté technique

En 1869 à l’Académie s’ouvre une Faculté des Sciences indépendante, qui se sépare de Lettres et Sciences. Eugène Renevier qui n’avait qu’un seul cours centré sur la minéralogie et la géologie, puis trois cours sur la pétrographie, est heureux d’enseigner en plus la paléontologie et la stratigraphie. Et dès 1873 s’ouvre une nouvelle Faculté technique, dont certaines salles d’enseignement sont excentrées à la place du Tunnel et où il va y enseigner la géologie générale et géologie technique. De 1875 à 1877, Renevier assume la fonction de président de la Faculté des sciences et, dès 1877, il enseigne cinq heures dans cette Faculté, soit la pétrographie, l’orographie, la paléontologie et la stratigraphie ainsi que trois heures de géologie générale en Faculté technique. Entre 1851 et 1874, Renevier publie près de 60 communications scientifiques qui ont trait aussi bien à la géologie et la paléontologie régionale des Alpes, du Plateau et du Jura, qu’à la pétrographie et la géologie de régions visitées, telles que le lac de Côme, la région de Montpellier, de Montalban et de Tours, ainsi que des notes sur l’Angleterre et sur l’Afrique du Sud où il a rendu visite aux missions protestantes.
Et après quinze ans de travaux sur le terrain, Renevier fait paraître en 1875, sa première carte géologique des Alpes vaudoises.

Première carte géologique des Alpes vaudoises

La Maison Gaudard

Mise à disposition en 1874, de locaux pour les collections de géologie et de minéralogie ainsi que pour l’enseignement à la maison Morave ou maison Gaudard (ce dernier nom sera repris au xxe siècle) au sud de la Cathédrale.
Suite à une séance de la Commission des Musées, qui se préoccupe d’un manque dramatique d’espace pour les collections, le Conseil d’Etat qui vient d’acquérir la maison Morave au sud de la Cathédrale donne l’autorisation de transférer le Musée minéralogique et le cabinet de botanique dans le premier et le second étage de la Maison Morave et d’installer aussi dans cette maison l’auditoire pour l’enseignement de la minéralogie et de la botanique. Suite à ce transfert le déménagement des collections va marquer la première phase de la constitution des musées de géologie et de botanique indépendants du musée cantonal appelé aussi musée vaudois.

La maison Morave ou maison Gaudard
Maison Gaudard
1887: Vue des façades nord et ouest de la maison Gaudard
Vue des façades nord et est de la maison Gaudard les salles du Musée de géologie aux 1er et 2ème étage.

Travaux et collègues

Eugène Renevier et avant lui Charles Adolphe von Morlot s’arrêtent souvent aux Bévents sur Bex, chez Jean de Charpentier, auteur avec Ignace Venetz de la théorie des glaciations, dont le fameux Agassiz, et qui reçoit chez lui des naturalistes de toute l’Europe. En août 1877, un chaleureux hommage sera rendu à Jean de Charpentier lors de la réunion, aux Bévents, de la Société helvétique des sciences naturelles.

La maison de Jean de Charpentier aux Bévents
Jean de Charpentier

Lors de la réunion de la Société helvétique des sciences naturelles à Bex le 21 août 1877, c’est à l’invitation de Renevier, qu’un groupe de géologues suisses participent à une excursion commentée dans la région. Ils décident alors, avec des statuts préparés avec un certain humour par Renevier, la création d’un groupe de «géologues excursionnistes ».

Très tôt, Renevier va s’occuper d’expertises géologiques pour des grands travaux projetés, comme les tunnels du Mont-Blanc et du Simplon. Il fait d’abord un rapport d’expertise géologique de la partie méridionale du projet de tunnel du Mont-Blanc, puis en 1877, il est chargé par la compagnie du chemin de fer du Simplon de faire, avec deux collègues, M. Ch. Lory, prof. à la Faculté des sciences de Grenoble, et M. A. Heim, professeur à l’École polytechnique de Zurich, une exploration géologique préliminaire du massif que doit traverser le tunnel projeté.

En 1880, il est mandaté par le gouvernement français pour effectuer des levers sur les feuilles Thonon et Annecy de la Carte géologique de France. Cette même année, une malheureuse infection sur la rétine risque de lui faire perdre la vue. Il est bien soigné mais dès ce moment, son acuité visuelle sera diminuée.

Eugène Renevier est promu professeur ordinaire le 1er novembre 1881 et de ce fait aura plus de six heures d’enseignement en Faculté des sciences, avec des cours aussi pour les étudiants en pharmacie et toujours trois heures en Faculté technique.
Lors de son discours d’installation, il fait remarquer avec humour que parmi ses quarante collègues il y en une douzaine qui ont été ses anciens élèves et il loue les autorités pour cette nomination alors qu’il pourrait tout au plus figurer au Musée paléontologique et il termine par “si je suis vieux, la géologie est jeune!”
Toujours en 1881 il participe à la création de la Société géologique suisse, qui fait suite aux « géologues excursionnistes ». Il la préside pendant de nombreuses années et jusqu’à sa mort, en 1906, il fera partie du comité. Avec ses collègues, il décide de publier en 1887 le premier numéro du périodique de cette société, soit les « Eclogae Geologicae Helvetiae » dont il est le premier rédacteur responsable. Ce périodique perdure jusqu’à nos jours et n’a changé de nom (« Swiss journal of Geosciences ») qu’après le centième volume en 2006.

Dès 1880, Eugène Renevier s’entoure de jeunes collaborateurs qui par la suite, vont révolutionner la compréhension de l’histoire de la Terre.
Le premier d’entre-eux est Hans Schardt, originaire de Bâle qui poursuit des études en Sciences naturelles entre Lausanne et Genève et qui remporte 3 concours à l’Académie de Lausanne. Remarqué par Renevier, il est appelé à travailler au musée de Lausanne en 1881 et il est enrôlé cette même année dans le comité naissant de la Société géologique suisse.

Hans Schardt, professeur

Schardt et Renevier restent en contact pour la cartographie et pour la thèse des « Études géologiques sur le Pays- d’Enhaut vaudois » faite chez Alphonse Favre à Genève, puis pour le suivi de la publication de «Description géologique des Préalpes du canton de Vaud et du Chablais » En 1890, Renevier offre à Schardt, qui est, depuis 1883, maître de sciences à Montreux, une position de privat- docent à l’Université pour enseigner la géographie physique des montagnes du monde. Schardt donne cet enseignement jusqu’en 1894, avant d’être appelé comme professeur à l’Université de Neuchâtel.

 
Maurice Lugeon devenu professeur en 1906

Maurice Lugeon, alors jeune adolescent, est reçu au Musée en 1882 par G. Leresche, préparateur de botanique, qui lui apprend à déterminer des plantes et des minéraux. Après le départ d’Hermann Goll en 1883, Renevier engage un nouveau préparateur, le jeune naturaliste Théophile Rittener qui travaillait déjà sous sa direction comme collaborateur à des levers géologiques en Savoie. Donc, après Leresche, c’est Rittener qui emmène le jeune Lugeon sur le terrain et lui donne le goût des observations dans lesquelles il va exceller au cours de sa vie entière. Mais les parents de Lugeon, estimant trop coûteuses des études de sciences naturelles, le placent en apprentissage dans une banque de Lausanne.

Pour ses patrons, il est un bien mauvais apprenti car il passe son temps à préparer des étiquettes pour ses collections ou pour son herbier, ou encore à lire, furtivement, des livres de sciences naturelles. Les parents renoncent et par chance en 1886, une place de préparateur au Musée se libère, et la place est proposée à Lugeon qui alors a juste 18 ans et vient de commencer le Gymnase! Passionné, il prépare sa première communication à la Société vaudoise des sciences naturelles sur des plantes fossiles découvertes dans la molasse lausannoise, qu’il présente en séance le 23 janvier 1889.

Henri Golliez, professeur
C’est à un autre géologue, Henri Golliez, jeune ingénieur vaudois formé à l’École polytechnique de Zurich, maître de sciences au collège de Sainte-Croix, membre de la Société Vaudoise des Sciences Naturelles et qui vient régulièrement au Musée pour des déterminations, que Renevier confie en 1887 une charge de cours de géologie et minéralogie à la Faculté technique, au titre de professeur agrégé. La même année, Golliez est nommé secrétaire général au Département de l’Instruction publique et participe aux négociations de la transformation de l’Académie en une Université moderne.
Façade du Musée Industriel, rue Chaucrau à Lausanne
En 1889, il s’associe avec Maurice Lugeon pour décrire des faunes de tortues découvertes dans de nouveaux affleurements de la molasse dans un chantier de la rue de la Borde à Lausanne. Cette découverte sera présentée dans l’auditoire du Musée Industriel sis à la rue Chaucrau, là où se tiennent les séances de la Société Vaudoise des Sciences Naturelles.

La création de l’Université de Lausanne en 1890: La transformation de l’Académie en Université de Lausanne, inaugurée en mai 1891, va donner l’occasion d’une grande fête populaire. Pour la géologie, elle amène un nouveau développement avec l’ouverture de deux laboratoires distincts et deux chaires d’enseignement.

Fête d’inauguration de l’Université le 18 mai 1891 le cortège arrive à la Grenette.

Le laboratoire de géologie alors créé se trouve dans une salle de la maison Gaudard en liaison avec les collections du Musée. Le laboratoire de minéralogie est installé, avec celui de zoologie, au no 9 de la place du Tunnel, dans l’immeuble Sollichon loué par l’État de Vaud. Golliez en est le professeur extraordinaire, dans la récemment nommée « École d’ingénieur ». Renevier lui fournit des collections du Musée destinées à l’enseignement de la minéralogie et de la pétrographie, ainsi que les livres spécialisés dans cette branche.

La place du Tunnel en 1895, avec l’immeuble Sollichon (flèche)

Renevier, lui, est soulagé, car il se libère à 60 ans d’une partie de son lourd enseignement et peut s’engager davantage dans la suite de ses publications et de leur communication, ainsi que dans la préparation des congrès des années à venir. En 1890, il publie enfin sa monographie très attendue de plus de 500 pages sur les Hautes Alpes vaudoises, dans laquelle figure sa première grande carte géologique publiée en 1875.

 

Il peut aussi mieux préparer les projets d’installation des laboratoires et des collections dans le bâtiment Rumine à construire et pour cela il est convoqué, en août 1891, à une séance présidée par le Chef du Département de l’instruction publique d’alors, M. E. Ruffy, pour discuter avec l’architecte André des plans de répartition du Musée et de l’enseignement.

Congrès International de Géologie. De gauche à droite au premier rang: Marguerite et Henri Golliez puis Eugène et Mary Renevier.

Pour Renevier, 1894 est une grande année : non seulement il dirige le Congrès géologique international de Zurich, mais il organise aussi avec Golliez l’une des excursions de prestige à travers la Suisse. En plus, devant un auditoire très relevé, il a l’occasion de présenter l’une de ses oeuvres majeures, fruit de plus de trente ans de travail, le «Chronographe géologique» avec ses treize tableaux des terrains sédimentaires, accompagné d’un texte d’explications de 170 pages et d’un lexique de plus de 3’000 termes examinant la stratigraphie connue de chaque continent.

En 1896, Renevier reçoit le titre de docteur honoris causa de l’Université de Zurich. À 66 ans, il réduit son enseignement à la stratigraphie et la paléontologie, d’abord des vertébrés, puis des invertébrés. Nommé à 67 ans Recteur de l’Université de Lausanne, il annonce: “Vous aurez à votre tête un Rector fossilis au lieu d’un Rector magnificus»!

À gauche,titre du chronographe de Renevier (1897) à droite,titre du livret guide avec une figure de l’excursion du congrès de Zurich.
Page de titre et coupe des Préalpes du Chablais par Hans Schardt.

En 1898 paraît un article qui fera date: en effet, Hans Schardt publie alors ses 104 pages avec deux coupes en couleur sur l’allochtonie des Préalpes et de la Brèche, toutes deux de provenance méridionale lointaine et charriées sur un autochtone plissé. C’est une révolution dans la compréhension des chaînes de montagnes.
En 1902, Lugeon montre dans une synthèse de 100 pages que le front nord de la chaîne alpine, de la vallée de l’Arve jusqu’à Salzburg, est formé de grandes nappes superposées qui couvrent complètement le vrai front autochtone, caché en profondeur. Cette synthèse, étendue jusqu’aux Carpates puis aux Tatras en Pologne par Lugeon & Termier, lors du Congrès géologique international de Vienne en 1903, va opérer une vraie révolution dans les sciences géologiques et régir durablement la compréhension de toute la tectonique alpine.

Ainsi qu’il l’a exprimé dans sa leçon inaugurale de géologie technique à la nouvelle École d’ingénieur, Golliez, montre un intérêt soutenu pour la géologie appliquée aux grands travaux.

Des opportunités s’offrent à lui: d’une part le fantastique projet de chemin de fer de montagne jusqu’au sommet de la Jungfrau dont il supervise le tracé et effectue les coupes géologiques et d’autre part l’étude du projet et le suivi du tunnel du Loetschberg. Pour le premier, les études débutent en 1894, mais il devra attendre dix ans pour la mise en chantier et le train inaugural arrivera à la station du Jungfraujoch le 31 juillet 1912. Pour le second, après 6 ans d’études géologiques, le percement est décidé le 27 juin 1904 sur la base de ses relevés et le tunnel sera innauguré le 19 juin 1913 quelques mois avant son décès.

Mais déjà en 1909 il a été décoré de la légion d’honneur par le gouvernement français, pour sa diplomatie et ses remarquables travaux en voie de réalisation.

Chemin de fer de la Jungfrau
Tunnel du Loetschberg

Eugène Renevier et le palais de Rumine

Pour la géologie lausannoise, 1905 est une année très importante. C’est d’abord l’arrivée de nouveaux étudiants qui viennent préparer leur thèse en géologie à Lausanne avec parmi eux Émile Argand, Alphonse Jeannet et Ferdinand Rabowski. Avec eux, l’impact de Lausanne sur les sciences de la terre va s’amplifier à l’échelle suisse et européenne ! C’est aussi la fin du chantier du Palais de Rumine et le début du déménagement des laboratoires, des Musées scientifiques et de la Bibliothèque cantonale. Le transfert des collections de la maison Gaudard au Palais de Rumine est supervisé par Renevier, assuré par Lugeon avec le préparateur Lador et les nouveaux assistants, Argand, Jeannet et Rabowski.

Le 3 novembre 1905, le Palais de Rumine s’ouvre aux cours de l’Université.

1904 – le Palais de Rumine est sous toit, mais les 2 colonnes d’entrée manquent encore.

Le 5 mai 1906, Renevier chute accidentellement chez lui dans une cage d’ascenseur ouverte et décède le lendemain, soit dix jours avant la fête organisée pour le cinquantième anniversaire du début de son enseignement à l’Académie et la remise du titre de docteur honoris causa de l’Université de Genève, qui se fera à titre posthume. À la demande de Lugeon, la grande salle d’exposition consacrée à la géologie et la stratigraphie, qui vient d’être agencée dans le Palais de Rumine, va porter le nom de « Renevier », gravé sur le fronton d’entrée. L’autre grande salle consacrée à la paléontologie, portera le nom de « De la Harpe », lui aussi gravé. Par sa persévérance et un travail constant, Renevier réussit à faire passer un petit cabinet géologique, fondu au sein d’un musée du début du XIXème siècle, à un grand musée des sciences géologiques, indépendant et de réputation internationale, superbement logé dans le Palais de Rumine dès 1906.

Rumine – plan de l’étage des expositions de géologie préparé par l’architecte André

Il est a noté que la commission consultative du tunnel du Simplon était présidée par Renevier. Le 24 février 1905, elle est avertie de la jonction des deux équipes de percement et qu’il y aura de grandes fêtes pour l’inauguration du tunnel, entre autres une à Lausanne en 1906. Mais celle-ci, agendée, a lieu juste 3 semaines après le décès de Renevier.

A gauche, la porte du Simplon offerte et exposée sous l’aile nord du palais de Rumine ; à droite l’Atrium du Palais et sa fontaine, avec dans la partie supérieure la salle de 110 m de long dans laquelle s’est donné, à l’invitation du Conseil fédéral, le grand banquet d’inauguration du Simplon avec ses 776 invités, le 28 mai 1906. Cette salle sera occupée par la suite par le Musée de zoologie et les deux salles de l’étage au-dessous, avec les collections de paléontologie et de géologie, porteront les noms de De la Harpe et de Renevier en mémoire de ces deux savants vaudois.

Bilan des années Renevier, de 1856 à 1906

Pour résumer la carrière scientifique de Renevier, on peut affirmer qu’avec près de 140 publications, elle est à l’évidence très étoffée et rayonnante. Le souci principal de Renevier a été le classement des roches. Son premier tableau des terrains sédimentaires, publié en 1873- 1874, classe les principaux terrains alors connus en Europe selon 79 étages bien définis par leurs fossiles caractéristiques. Cette hiérarchie du classement, selon d’une part les faciès et d’autre part le temps, lui-même basé sur l’évolution, entrera dans les discussions de nombreux congrès dans lesquels Renevier jouera un rôle très actif.

Par un travail de grande ampleur, il établit alors une échelle internationale raisonnée des temps géologiques. Son «Chronographe géologique », présenté en 1894 à Zurich et avalisé par le Congrès, est publié en 1897. Cette nouvelle échelle des temps aura un grand retentissement dans la communauté internationale et les résultats publiés serviront d’étalon à l’enseignement de la stratigraphie jusqu’à aujourd’hui.

De par son engagement dans la géologie régionale et dans les instances scientifiques régionales, nationales et internationales, Renevier a su attirer de nouvelles forces jeunes dont certaines deviendront des personnalités scientifiques de premier plan, reconnues bien au-delà de nos frontières. Parmi elles, nous avons présenté Hans Schardt puis Maurice Lugeon et pour la géologie appliquée, Henri Golliez. Avec le nouveau venu Emile Argand, ils vont amener une révolution profonde dans la science géologique internationale et faire rayonner l’Ecole de Lausanne.

L’une des grandes statues présentes sur le porche d’entrée de la cathédrale de Lausanne, celle d’Isaïe représentée d’après les experts sous les traits de David Lugeon, sculptée par son fils Raphaël, frère de Maurice, ressemble étonnamment au portrait d’Eugène Renevier. Nous savons que le sculpteur croisait souvent Renevier, le maître vénéré de son frère et que la stature professorale donnée à sa statue est plus celle de Renevier, que celle de son père.

Au centre, photo de la tête de la statue d’Isaïe sur le porche de la cathédrale, sculptée par Raphaël Lugeon ; à gauche un portrait d’Eugène Renevier et à droite une photo de David Lugeon

Documentation

Nécrologie

Revues de presse:
Nécrologies et hommages:

La mort stupide d’Eugène Renevier par Robin Marchand, Conservateur au Musée cantonal de géologie, Lausanne, mai 2021:

Galerie

Photos de groupe du congrès international de géologie de 1984.